L'art de la nouvelle ne meurt pas, mais il se perd.
J'aime beaucoup lire des nouvelles, et en écrire naturellement.
J'aime les observations d'enthomologiste de Maupassant qui cachent parfois à peine l'affection qu'il ressent pour les personnages dont il décrit un moment crucial de leur leur vie.
J'aime le détachement élégant et discret de Somerset Maugham où l'on a
parfois peine à distinguer la cruauté de la pitié.
Ce que j'ai écrit comprend deux recueils de nouvelles publiés en 2009, "Couples" et "Au secours".Deux autres sommeillent dans mes cartons : "Pères" et "Routiers et Capitaines". Un cinquième est
depuis deux ans en cours d'écriture sous le titre prometteur de "Belles".
Malheureusement, le public des lecteurs n'aime plus les nouvelles. Les jeunes qui m'entourent (ils ont quarante ans) trouvent qu'un roman qui ne fait pas 600 pages n'est pas digne d'intérêt. 800
est la bonne dose.
Les éditeurs l'ont bien compris. Le mien m'a dit avec une désolation a peine masquée : "Les nouvelles se vendent à peine moins mal que la poésie". Sentence de mort.
Pour ce que j'ai commis en la matière ne soit pas totalement perdu, j'aimerais dans ces lignes vous proposer de lire certaines de mes nouvelles, et vous me direz si vous souhaitez que je le fasse
régulièrement.
Je commencerai aujourd'hui par un court texte emprunté à "Au secours" sous titré "Comptes rendus de la catastrophe ordinaire" et intitulé "Les Dettes".
Qui paie ses dettes s'enrichit.
Un ami comptable m'en a fait une démonstration éblouissante. L'éblouissement a été tel que je n'ai rien compris. Au contraire, j'ai constaté que lorsque je payais mes dettes, mon compte en banque
baissait, donc que je m'appauvrissais.
Hélas, ne pas payer ses dettes entraîne mise en demeure, intérêts de retard, sans parler de la pénalité de l'article 24 bis et je m'appauvris encore plus.
Or, à la réflexion, il se révèle que c'est seulement parce que je gagne de l'argent que j'ai des dettes. C'est parce que j'ai des revenus que le banquier me fait un prêt pour acheter une
voiture, donc que je paie des intérêts, que je souscris une assurance, que j'achète du carburant, etc., donc que j'ai des dettes.
Ergo, pour ne pas avoir de dette, il ne faut pas gagner d'argent.
Je m'y serais résolu, mais la perspective de laisser les miens, épouse tendrement aimée, fils chéri, mourir de faim m'est insupportable. La solution, bien sûr, serait de se retirer en quelque île
déserte, ou sur quelque montagne isolée, pour y vivre en ermite ou anachorète, subsistant de peu et travaillant moins encore. Dès lors, plus de gain, plus de dettes. Travaux simples et nourriture
frugale. Le rêve.
Hélas, aux dernières nouvelles, il est question de mettre en carte ermites et anachorètes pour leur faire payer une taxe afin, paraît-il, de venir en aide à ceux d'entre eux qui, malgré tout
meurent de faim. Il en découlera naturellement que ceux qui ne pourront acquitter cette taxe se verront priver du droit d'être ermite ou anachorète et seront contraints, sous amende et astreinte,
de mettre un terme à leur activité.
Décidément, la pauvreté même n'est plus ce qu'elle était et il apparaît, hélas, que de nos jours il faut être suffisamment riche pour avoir le droit d'être pauvre sans encourir les foudres de la
loi.
Amicalement à tous,
D. M. Benoliel