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10 juin 2014 2 10 /06 /juin /2014 13:59

L'on m'a déjà dit : "Il n'y a pas de sexe dans tes bouquins ?"

Bien sûr, c'est faux : tous mes personnages sont sexués. J'ose même pousser la provocation a déclarer ouvertement que certains sont des hommes et d'autres des femmes. Les uns et les autres éprouvent de l'attirance, du désir, de l'amour même. Je vais même, comble de l'impudeur, jusqu'à leur attribuer des sentiments. C'est dire.

Si je pousse un peu la discussion, j'ai vite fait de comprendre (je l'avais même compris depuis le début) que mes interlocuteurs ne veulent pas parler de sexe, mais de scènes de sexe.

C'est vrai : je ne fais pas dans la scène de sexe. Je pourrais m'en tenir à la répartie de Françoise Sagan à qui l'on faisait la même réflexion au sujet de ses personnages et qui répondait avec esprit que "cela faisait partie de leur vie privée !" Bien répondu, Madame.

Cependant sous l'angle strictement littéraire, mon opinion à ce sujet est que depuis l'année 1949 où Henry Miller a écrit "Sexus", je ne vois pas ce que l'on pourrait ajouter sur le sujet. Un des livres le plus brûlant, "Lolita", ne comprend pas à proprement parler de telle scène.

Son auteur, dans sa préface expliquait que les écrivains qui s'adonnent à cet exercice essaient chaque fois d'inventer quelque chose de nouveau pour faire "saliver" le lecteur. Il rappelle que Sade lui-même a dû pour pimenter un passage avoir recours au jardinier afin que la forteresse investie le soit simultanément sur tous les fronts.

C'est un si bon truc qu'Emmanuelle Arsan l'a utilisé dans Emmanuelle, et avec le succès que l'on sait. Je ne saurais donc rien rajouter de vraiment nouveau en la matière. Encore qu'en relisant soigneusement "Les Perversion sexuelles" de Havelock Ellis, l'on pourrait y découvrir des choses amusantes comme l'ondinisme ou la cleptolagnie. Passons...

Cependant, pour être totalement sincère, il faut bien que j'admette qu'il y a dans un de mes romans un passage qu'un de mes lecteurs a qualifié de scène sexuelle; Je vous la livre ci-dessous. Il s'agit du roman "Les Fleurs de l'Automne". Samuel, le narrateur,est un quinquagénaire qui s'est attaché à Rachel, une jeune femme amoureuse d'un homme marié et que son amant traite mal. Il est devenu son ami, son protecteur, son confident, et ne lui a jamais fait part de son attirance. Il l'a invitée à passer un long week-end au bord de la mer en tout bien tout honneur. L'endroit où ils se trouvent a essuyer une tempête et ils doivent repartir le lendemain.

Je rentrai dans ma chambre, fermai la porte, enfilai un pyjama, m'étendis et éteignis la petite lampe colorée de mon chevet, cherchant avec peine le sommeil.

Au bout d'un moment, il me sembla entendre le bruit de ma porte qui s'ouvrait. Je me soulevais sur les coudes et allumais. Rachel se trouvait à l'entrée de la pièce, drapée dans une robe de chambre bleue, le visage lisse et indéchiffrable.

Que se passe-t-il? lui dis-je. Que faites-vous là ?

Elle avança de deux pas et, dénouant sa ceinture, laissa tomber derrière elle le vêtement de nuit. Elle était nue. Elle continuait à avancer. J'étais hypnotisé par ce corps à la fois plein et gracile, à la taille haute, aux seins ronds et fermes, aux cuisses de marbre et de soie. Je contemplais avec terreur, ferveur et avidité la fourrure sombre au bas de son ventre. Elle posa au bord de mon lit un genou de déesse, se lova contre moi, enveloppa mon cou d'une main brûlante tandis qu'elle posait l'autre sur mes lèvres et qu'elle me disait :

--J'ai besoin de toi et tu as besoin de moi. Ne dis rien !

Mais je ne pouvais me fondre dans la douceur de sa chair, dans un silence indifférent. Il fallait que je parle, il fallait que je le dise. Et je prononçais des paroles terribles, définitives, irrémédiables. Je lui dis que je ne pensais plus à elle depuis longtemps comme à une amie ou une nièce. Que je la désirais follement ! Qu'elle était la femme de ma vie ! Que je l'aimais !

Donc voilà ! Qu'ai-je à dire pour ma défense ? Vous y verrez une scène de sexe (bien timide !) si cela vous chante. Pour moi, c'est une scène d'amour. Contrairement à ce que pensent un certain nombre d'animaux incultes, ce n'est pas la même chose.

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