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9 mars 2012 5 09 /03 /mars /2012 13:03

    Cela fait quelque temps que je ne suis plus venu à votre rencontre. Des occupations diverses, dont certaines stressantes, m'ont écarté plusieurs mois du plaisir de retrouver votre amitié.

Malheureusement, nos retrouvailles vont débuter par une triste nouvelle.

Dans mon roman "Le Voyage d'hiver", Monty, le narrateur faisait avec Agnès, sa jeune demoiselle de compagnie, une halte à Eugénie-les-Bains au cours de laquelle il prenait le thé avec elle dans le jardin de l'Hôtel Thermal. Je le racontais comme suit :  

 

Dans le beau pays de France, les endroits où l’on sait servir agréablement le thé sont rares. Ici, tout était quasiment parfait, la porcelaine de Sèvres à fleurs pouvait rivaliser avec le Royal Doulton. La passoire en argent rappelait le style Queen Anne revu pour le Second Empire. L’odeur du Yunnan Impérial flattait nos narines, et les scones, les toasts, les petits pains fourrés de mousse de canard et la confiture d’oranges amères n’attendaient que le moment de rejoindre nos papilles. Au regard de ma compagne vers la table élégamment dressée, je compris immédiatement qu’elle ne dédaignait pas un certain décorum pour satisfaire son appétit. Une aimable jeune femme en robe à fleurs mauves nous invita à prendre place. Elle tint ma chaise pour que je puisse m’approcher de la table. Il faut bien que l’âge présente quelques avantages. Ce ne fut qu’une fois assise qu’Agnès remarqua le massif près duquel nous étions installés et qui se composait de hampes fleuries bleues et blanches. Au centre de ce massif était dressée une statue, point ancienne certes, XIXème certainement, mais pleine de charme.

Une très belle femme, un visage souriant et à l’expression vive et accueillante, un buste nu révélant deux seins ronds et pleins sans excès, le haut de sa robe retombant assymétriquement  et montrant une taille mince et musclée au dessus de hanches solides. Sa coiffure était une sorte de longue et épaisse tresse entremêlée de feuillage. Ses bras soutenaient un plateau chargé de fruits avec le geste gracieux d’une porteuse d’offrande.

—Oh ! s’exclama Agnès. Pomone ! Qu’elle est belle ! Quelle idée charmante d’avoir fait servir le thé à cet endroit.

 

J'ai choisi de placer cette scène à cet endroit car je le connaissais pour y être allé en compagnie d'un couple d'amis et de mon épouse et nous y avions pris le thé. J'avais été séduit par le calme, la verdure et le charme un peu suranné des lieux : l'hôtel où descendait l'impératrice Eugénie est juste en face. La statue de Pomone était encore plus belle que je la décris. Je n'ai pas voulu dans le livre insister sur l'attirance que j'ai pour les femmes de la statuaire romaine. Certes les Vénus, les Minerve, les Artémis grecques ont la beauté idéale de l'intemporel. Elles sont d'une perfection dont il faut bien reconnaître qu'elle n'est pas de ce monde.

Les femmes sculptées par les Romains sont des personnes que nous pourrions rencontrer dans la rue. Ce sont, bien qu'en pierre des êtres de chair, cette chair d'autant plus émouvante qu'elle n'est pas parfaite et qu'elle est fragile. Certes la Pomone d'Eugénie-les-Bains n'est pas une antiquité. Elle est de facture certainement XIXe siècle, mais elle a si bien repris l'esprit du temps que nous la verrions fort bien dans l'atrium de Cicéron ou les jardins de Pétrone.
Nos enfants nous ayant offert en cadeau de Noël un séjour à Aire-sur l'Adour, nous avons voulu retourner à Eugénie-les-Bains pour revoir Pomone et en faire des photographies. Nous l'avons cherchée en vain dans tout le parc, ne retouvant pas l'endroit où elle pouvait se trouver et qui paraissait avoir disparu.
Mon épouse interrogea un jardinier : "Ah ! Madame, s'exclama-t-il. Il y a eu une tempête. La foudre a frappé l'arbre près duquel elle était. Il s'est abattu sur elle et elle a été brisée en mille morceaux. Il ne reste plus, là-bas, que le socle."
J'ai vivement regretté la belle Pomone, mais je me suis dit que si les tempêtes de la vie pouvaient nous enlever ceux qui nous sont chers, pourquoi n'en serait-il pas de même des statues ? Même de la belle Pomone.
Je suis désolé de ne pouvoir vous joindre la photographie de la belle déesse de l'automne et des fruits. Pour vous consoler, j'illustre ce billet par une photographie de la statue de Vénus qui faisait pendant à la disparue. Ce ne sont pas les mêmes fruits, mais je vous invite à les cueillir alors qu'il en est temps encore. Si c'est possible.

 

Venus.jpg

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commentaires

G
Ah ! Tout de même ! J'avais encore fait une visite il y a quelques jours, mais j'avais crains de déranger le sommeil de la maison en laissant un message d'impatience. Il est bon d'ouvrir les<br /> rideaux et de laisser entrer le soleil des mots retrouvés du malicieux et talentueux jardinier du "jardin des papyrus".
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